On le sait, les fabricants de cigarettes ajoutent des additifs au tabac. Ce serait pour « améliorer » l’expérience des fumeurs. Il existe environ 600 additifs autorisés, et aucun fabricant ne communique sur ceux qu’il sélectionne et pourquoi. Alors regardons ça ensemble, à partir des travaux de Stop-Tabac.ch (Suisse ), ou du CNCT (France), sur la base d’études et de documents internes à l’industrie du tabac, rendus publics à l’issue d’actions en justice.
À quoi servent les additifs du tabac ?
Les chimistes des cigarettiers sélectionnent et ajoutent des additifs pour plusieurs raisons. Trois d’entre elles ressortent particulièrement, quand on étudie la documentation sur leurs effets :
- Améliorer les saveurs et adoucir les sensations d’irritation
- Diminuer la quantité de fumée
- Augmenter l’efficacité de la nicotine
Si l’amélioration des saveurs peut passer pour une volonté de faire plaisir aux fumeurs, les autres raisons sont loin d’être bienveillantes : elles visent à faciliter la consommation, pour fumer plus et plus jeune, à faire moins peur, et à augmenter la dépendance.
Faire fumer plus : masquer les sensations d’irritation
De nombreux additifs sont utilisés pour donner un goût moins âpre au tabac, plus doux et plus sucré, et donc rendre les cigarettes plus attractives, en particulier pour les nouveaux fumeurs, dont les jeunes. On trouve par exemple du cacao, des sucres ou des édulcorants. Des arômes fruités ont même été utilisés, jusqu’à leur interdiction en Europe en 2017.
Deux additifs ont un rôle particulièrement important pour masquer les irritations : le menthol et l’eugénol. Ils anesthésient la gorge pour que le fumeur ne ressente pas l’irritation de la fumée, donc puisse fumer plus et plus facilement. Ils sont présents dans toutes les cigarettes, pas seulement les cigarettes au goût menthol, interdites elles, en 2020.
Enfin, le cacao est un additif utilisé non seulement pour apporter du goût, mais aussi pour faciliter l’inhalation. Sa combustion dégage en effet de la théobromine, qui est un broncho-dilatateur. Il dilate les voies respiratoires, facilitant l’inspiration de la fumée et l’absorption de la nicotine.
Ces additifs, en améliorant les saveurs, en diminuant les sensations d’irritation, et en facilitant l’inhalation, ont une autre conséquence : ils amènent les fumeurs à inspirer plus profondément, ce qui augmente le risque de cancer et la gravité de celui-ci.
Faire moins peur : diminuer la quantité de fumée
À partir du moment où les consommateurs ont été mieux informés des dangers du tabac, la quantité de fumée, sa visibilité et son odeur désagréable sont devenus des problèmes. La pression sociale s’inversait : « fumer, c’est cool » est devenu progressivement « fumer, c’est nul ». Et ça, ce n’est pas bon pour les affaires.
Les fabricants ont donc cherché des solutions pour diminuer l’odeur et la visibilité de la fumée, en cherchant à provoquer un raisonnement fallacieux : « Si ça fume moins, c’est que ça doit être moins nocif ».
C’est en modifiant la composition du papier, qu’ils y arrivent. Ils ajoutent de l’acétate de sodium et des sels de potassium, qui réduisent la visibilité de la fumée. La toxicité par contre, reste inchangée, pour les fumeurs actifs comme pour les fumeurs passifs, qui croient être moins exposés puisqu’ils voient moins de fumée.
Renforcer la dépendance : augmenter l’efficacité de la nicotine
C’est la marque Marlboro qui, au début des années 60, a commencé à utiliser des additifs à base d’ammoniaque pour augmenter l’acidité de la fumée (son ph). En effet, un ph plus élevé de la fumée favorise la production de molécules de nicotine libre, directement assimilables par le sang. Cela augmente l’effet de shoot de chaque bouffée, qui est plaisant pour un fumeur, et dont on sait qu’il augmente la sensation de manque qui suivra. Ce type d’additif augmente donc la dépendance au produit.
En 1997, Le Dr. Jack E. Henningfield (Faculté de Médecine de l’Université Johns Hopkins, Baltimore), déclarait : « …(Ce) que l’on obtient en utilisant des composés d’ammoniaque, c’est qu’on augmente le pH, on augmente la quantité de nicotine libre (…). Cette forme libre de nicotine, comme pour la cocaïne, est absorbée plus rapidement, et a un effet plus explosif sur le système nerveux. L’ammoniaque peut servir à donner de la cocaïne libre comme de la nicotine libre ».
Les fabricants ajoutent aussi du sucre, pour le goût, mais aussi parce que, lors de la combustion, il produit de l’acétaldéhyde. C’est un composé qui augmente le potentiel addictif de la nicotine (et qui est cancérigène). Au début des années 80, un cadre de recherche de Philip Morris, a étudié les effets de la conjonction de nicotine et d’acétaldéhyde sur des rats. Il conclut son étude ainsi : «… des combinaisons de nicotine et d’acétaldéhyde produisent des effets plus additifs en ce qui concerne l’auto-administration». Traduction : cela incite à reprendre plus vite une cigarette.
Certains chercheurs font même l’hypothèse que la nicotine, seule, soit peu addictive, et qu’elle le devienne beaucoup plus quand elle est associée à d’autres produits. C’est un champ de recherche encore peu exploré, cela reste donc une hypothèse, qu’il serait intéressant d’étudier sérieusement.
Additifs au tabac, le double jeu des fabricants
Ils ont parfaitement compris que la société de l’information dans laquelle nous vivons exige qu’ils modifient leur image de marchands de mort cyniques, pour maintenir leur commerce. Ainsi ils communiquent beaucoup et financent même des programmes de luttes contre le tabagisme, directement, ou indirectement, en invitant les Etats à prélever des taxes.
Par curiosité, mais avec des nerfs solides, vous pouvez par exemple consulter le site de British American Tobacco, pour « admirer » leur habileté en termes de communication.
Par ailleurs, aujourd’hui, presque tous ces industriels investissent dans la vape. Ils disposent de moyens colossaux et cherchent manifestement à prendre le contrôle du marché. Ainsi par exemple Vype (British Américan Tobacco), MyBlu (de Fontem Venture, filiale de Imperial Tobacco), Logic (Japan Tobacco) et maintenant Juul (Altria), sont des marques détenues par l’industrie du tabac et principalement vendues (en France) dans le réseau des buralistes.
Dans le même temps, ils font aussi tout pour conserver leurs parts de marché dans la cigarette. Ils cherchent à influencer les législateurs, et ils travaillant sans relâche à rendre la cigarette plus attractive, plus acceptable, et plus efficace pour mieux installer la dépendance des jeunes fumeurs et maintenir celle des anciens.
Un débat chez les vapoteurs
Les vapoteurs sont tous d’anciens fumeurs qui ont réussi à quitter le tabac ou qui sont en train de le faire. Ils connaissent donc bien la cigarette. Parmi eux, il existe un débat éthique sur cette question : “est-il acceptable ou non d’acheter des eliquides ou des matériels de vape issus de l’industrie du tabac ? “
Certains pensent qu’après tout, si ces industriels se mettent à la vape et utilisent leurs moyens et leur force commerciale pour la développer, c’est bon pour la vape et pour les fumeurs qui veulent s’arrêter.
Certains pensent qu’il est inacceptable de valider ce double jeu des fabricants, qui chercheraient l’absolution dans la vape et la lutte contre le tabagisme, tout en faisant tout pour maintenir le marché de la cigarette et la dépendance des fumeurs.
Qu’en pensez-vous ?